Bientôt, nous aurons deux ans de cohabitation* avec le covid19. Depuis son apparition et au fil de ses mutations et vagues, le virus a déclenché une crise sanitaire mondiale sans appel. Durant ces deux années, une déferlante de chiffres nous a été jetée en pâture nous soumettant à une comptabilité permanente servant de base pour nous énoncer la chose et son contraire et sans traiter le plus souvent le fond du problème.
S’il y aurait une leçon à retenir de la crise, c’est que la qualité de gestion d’une pandémie repose entièrement sur la qualité des politiques d’accès au droit à la santé . En d’autres termes et au-delà de son aspect universel inéluctable, cette crise pandémique est symptomatique d’une autre beaucoup plus profonde dont les conséquences n’ont fait que s’accélérer face à ces circonstances. Et d’une manière générale, autant le constat sur la détérioration des services publics de santé nous paraît évident, autant la réparation de la situation nous requiert un travail méticuleux d’éclairage.
Dans une société aspirant à une justice sociale basée sur les droits économiques sociaux, culturels, environnementaux et politiques, cet éclairage nécessite un passage fondamental par les nombres. C’est-à-dire produire des représentations partagées de la réalité par le biais de données fabriquées de manière raisonnée et questionnées démocratiquement. Si on applique cela à la question de la santé, la garantie de ce droit passe par une réflexion sur les données nécessaires à produire et ouvrir périodiquement et qui constitueront une référence pour l’élaboration et l’évaluation des politiques publiques. Cette production contient un large éventail d’opérations quantitatives et qualitatives allant de l’état de santé de la population à l’infrastructure sanitaire en passant par les dispositifs d’accès aux soins et de la protection sociale.
Pour comprendre le cheminement de la crise sanitaire tunisienne il faut remonter à quelques décennies et observer l’ensemble des réformes menées et qui ont traduit une politique de désengagement progressif de l’État vis-à-vis de son système sanitaire. Peu avant la pandémie, la crise a atteint un tel point qu’un dialogue sociétal de santé a été annoncé et entamé par le gouvernement aboutissant cette année à l’adoption d’une Politique Nationale de Santé 2030.
Dans la série de réformes annoncées, le chantier de la production de données de qualité et la modernisation du système d’information sanitaire sont placés comme priorité. D’un autre côté, la Tunisie s’est engagée à travers son quatrième Plan d’Action National de l’OGP à renforcer l’ouverture des données et leur réutilisation dans certains domaines dont la santé.
Si on part du postulat précédent concernant la fabrique des données et des politiques publiques, cela nous renvoie à la même question : Quelles données pour quelles politiques de garantie du droit à la santé ?