ACCÈS À L’EAU ET GDA

Carte d’accès à l’eau

Extrait de l’exercice d’interprétaion collective lors de l’atelier final de la rencontre sur les enjeux de l’eau

(!) insertion carte d’accès à l’eau

Près de 57 000 familles tunisiennes doivent parcourir 1 km ou plus pour accéder à un point du réseau SONEDE ou du Génie Rural (carte 1)

Dans les régions les plus touchées ce problème affecte près du 1/3 des familles. Cependant ce problème n’a pas les mêmes conséquences pour toutes les familles concernées. Dans les régions montangeuses du Nord Ouest, les familles n’ont pas d’autres alternatives pour accéder à des sources d’eau contrôlées (cartes 3). En revanche d’autres solutions existent dans les régions du centre Est pour accéder à de l’eau contrôlée. (carte 4)

S’il existait autrefois dans les montages des solutions traditionnelles de retention des eaux pluviales, le tarissement de celles-ci les rend impraticables.

Le jour de la rencontre , la discussion n’a porté que sur la carte n° 1. A l’issue de la rencontre nous avons poursuivi l’exploration des données du recensement et avons produit les cartes 2, 3 ét 4 qui montre qu’avec d’autres systèmes locaux privés ou publics, les familels peuvent quand même accéder à de l’eau contrôlée dans la région Centre Est, contrairement aux montages du Nord Ouest.

Présentation de la carte

La carte 1 (publiée sur le site) est faite sur la base du recensement de 2014 qui comportait des question sur l’accès et l’usage de l’eau, et en particulier sur l’accès des familles à un point d’eau de la SONEDE ou du Génie Rural à moins de 1 km du foyer ?

Ce qu’on voit  sur cette carte ?

Ce qui est foncé ce sont les délégations où la proportion de familles qui n’accèdent pas au réseau public à moins d’1 km est la plus élevée. Sur cette carte, Les ronds n’expriment pas un pourcentage mais le nombre de familles touchées . Par exemple, dans le nord-ouest, à la délégation de Fernana, il y’a 3200 familles qui doivent faire plus de 1km pour accéder à un point d’eau public de la SONEDE ou du Génie Rural.

Au total il y’a 57000 familles dans cette situation en Tunisie.

Malheureusement, il n’y a pas de donnés plus précises sur la distance à parcourir pour l’accès à l’eau, 2-3 ou 5 km.

A 99% ces familles sont dans un milieu non communal. Dans les communes, le taux d’accès aux robinets est de 97% en moyenne sur la Tunisie, selon les données du dernier recensement (RGPH 2014).

A la délégation de Sidi Bouzid Est, c’est 15 à 20% des familles qui n’ont pas accès à un point d’eau SONEDE ou Géénie Rural à proximité immédiate.

Contributions des participants:

  • Dans la plupart des cas ce sont les femmes et les enfants qui cherchent l’eau de la source la plus proche.
  • Cette inaccessibilité à l’eau est liée à deux facteurs. Le facteur géographique, où par exemple au nord-ouest, région montagneuse et accidentée, c’est difficile de raccorder les maisons dont la densité n’est pas très élevé, les habitations sont très étalées sur l’espace. Les gens habitent dans des maisons très éloignées les unes des autres. Globalement, par rapport au nord-ouest, il y’a des zones qui ne sont pas vides, il y’a beaucoup de captage de sources (ces familles ne sont pas inclues dans les statistiques, il y a les détails sur les sources d’eau). Les gens qui habitent des zones sèches (centre ouest) ont le système de Majel, où l’eau de pluie est récupérée. C’est des configurations différentes de ce qui existe au nord-ouest. Il y’a des zones où il y’a des robinets publics, qui ont été vandalisés, ou mis hors service par manque d’entretien. Par exemple les conduites se sont colmatées. Il y’a aussi beaucoup de situations où il y’a eu vandalisme prématuré parce que l’installation était mal faite. En plus, au nord-ouest, le système des Majels (de récupération de l’eau de pluie) n’est pas connu/utilisé.
  • Qu’est-ce qu’on fait avec une carte comme ça ?
  • On peut aller sur le terrain et faire une enquête. Ce serait intéressant d’étudier le quotidien des gens, leur rapport à l’eau. En plus, les régions qui sont claires sur la carte, peuvent donner l’impression d’aller bien, alors qu’en réalité 100% pour certaine d’entre elles, dans le milieu non communal, presque 100% des familles vivant dans ces zones n’ont pas accès aux points d’eau SONEDE ou Génie Rural à moins de 1km,.
  • On aurait pu croire que la carte serait plus foncée au sud.
  • Au sud il n’y a pas d’habitat dispersé, les gens ne sont pas isolés les uns des autres (stratégie de survie), ils sont obligé de vivre en communauté, donc il y’a plus de facilité pour accéder aux services, contrairement à d’autres endroits.
  • A partir de cette carte, on peut réfléchir sur le plan urbain en Tunisie qui peut solutionner l’accès à l’eau.
  • En regardant le réseau de transport, on constate qu’il est déformé par les lobbys de vendeurs de camions… et on constate que les lignes de chemins de fer qui ont été abandonnées alors qu’elles pourraient revitaliser des régions entières (Sousse-Kasserine-Gafsa). La ligne a été abandonnée parce qu’ils ont construit un barrage sur 10km, Ce que vous dites est important sur le plan urbain, mais c’est insuffisant si on ne regarde pas le réseau de transport. Ce que je constate sur cette carte c’est qu’il y’a le tiers de la Tunisie qui est totalement inutile.

Quand on regarde cette carte, on a une occasion de penser les choix communautaires, territoriaux et pas forcément centralistes. La question c’est comment on s’y prend pour changer les choses sur ce sujet, comment reposer la question du réaménagement du territoire à partir d’une mobilisation des ressources locales ? Des réponses locales et des ressources locales ? Ramener des tuyaux n’est pas toujours la bonne solution pour éviter le gaspillage. Il faut trouver des solutions intelligentes. Quelles alternatives à des réponses centralistes qui n’arriveront jamais parce que c’est trop coûteux ?

  • Ce serait intéressant de voir l’évolution qui a abouti à ce système, pour montrer les choix et décisions politiques qui ont mené à ça. Dans les années 80, il y’avait des robinets publics, alors que dans certaines zones il n’y en a jamais eu. C’était un choix délibéré pour fournir l’eau à certaines zones et pas d’autres. Par la suite au fur et à mesure de l’évolution de la société, et de l’urbanisme, il y’a eu une réponse quasi systématique aux extensions urbaines au dépend de l’espace rural délaissé. C’est dans les années 90 qu’on a pensé l’accès à l’eau au milieu rural et l’adoption des GDA. Comment peut-on répondre au besoin d’eau de ces régions ? On ne le sait pas encore.
  • Il y a des enclaves, avec des territoires immenses où les densités de population très faibles avec des problèmes d’accès à l’eau structurels. La culture d’emmagasinage de l’eau s’est perdue avec les robinets, et maintenant on en paye les frais, car la modernisation n’a pas intégré les systèmes traditionnels d’emmagasinage d’eau.

À propos des GDA

Extrait des échanges avec à M. Kalboussi à propos des GDA qui sont au cœur des enjeux de la gestion de l’eau en milieu rural. (Voir aussi son arcticle dans la même rubrique)

« Il y’a deux types de GDA. Les GDA d’irrigation, et les GDA d’adduction pour l’usage et la consommation humaine. Mais malgré ça il y a une bonne partie d’adduction de l’eau qui est détournée de son usage prévu pour les foyers vers l’agriculture.

Depuis 2011, beaucoup de gens se sont raccordés clandestinement aux GDA pour avoir accès à l’eau chez eux. Une des conséquences est que, du fait qu’il y a seulement des compteurs globaux sur la production de tout le groupement, ceux qui font usage normal de l’eau paient pour les autres. Du coup, ceux qui respectent les règles sont les plus pénalisés.

Quand on regarde les GDA de près, on voit que la plupart sont gérés par des personnes de niveau secondaire ou primaire. Normalement ce sont sont des structures élues (un conseil d’administration (CA) élu par une assemblée générale). Or lors du passage d’un CA a un autre, il n’y a pas de transfert d’archive, donc quand un nouveau CA veut porter plainte contre un consommateur en contravention par exemple, il n’y a pas de pièces à charge. »

– Pourquoi les GDA sont-ils en état de dysfonctionnent structurel ?

« Au début on les a choisis sur une base politique liée au pouvoir. Malgré la dissolution du RCD les même pratiques ont continué et par ailleurs les gens ont considéré que la révolution les libérait de payer l’eau. Le cumul de facteurs (d’électricité principalement) a créé la dette des GDA. Il y’a eu beaucoup d’appels pour annuler cette dette, mais ce n’est pas forcément une bonne chose vu que tout consommateur d’eau doit la payer. »

– La tutelle des GDA par les autorités

« Le ministère de l’agriculture contrôle le dispositif technique. Le ministère de la santé contrôle la qualité de l’eau mais refuse de communiquer ses résultats (il y le problème des phosphates, des métaux non ferreux …) et il y a encore le ministère des finances qui devraient contrôler la gestion mais pas qui ne dispose pas d’assez de personnel pour assurer cette mission. Les GDA apportent des documents déclaratifs avec un budget équilibré et c’est tout ce qui compte. Il n y a pas de discussion sur la mise en rapport entre objectifs et mission du GDA et d’autre part dépenses effectuées.

Les GDA sont la figure de l’échec d’un modèle de gestion communautaire. Cela revient à un prix cher au mètre cube, avec un risque de corruption et de mal gestion élevé. »

– Pourquoi est ce qu’il y’a autant de coupures d’eau après 2011 ?

« Une masse d’argent allait au 26-26 (fond de solidarité sociale du RCD avec dispositif de pression politique) qui ramenait l’eau. Mais cela pénalisait doublement les citoyens vu qu’ils payaient deux fois (l’eau et le 26-26). Mais après 2011, ce réseau politique ne fonctionne plus et la STEG qui a continué à fournir l’électricité (non payée) pour l’eau à contribué à l’accumulation de la dette. On peut résorber ces dettes mais cela n’est possible que si l’on assaini le dispositif. Mais les responsables des GDA considèrent que leur bénévolat devrait leur garantir l’eau gratuite. »

« Le ministère de l’agriculture n’a aucune remontée de ses techniciens de terrain. Dans le futur code de l’eau, les pouvoir vont être concentrés au ministère de l’agriculture. Ca va accentuer l’espace de corruption. »

L’équipe de WatchWater a présenté les objectifs et le fonctionnement de l’observatoire des coupures d’eau. Extraits :

Faisant suite à l’intervention précéente, Me Ala Marzougui animateur de WatchWater remarque : « On voit bien à travers l’analyse de M. Kalboussi qu’il s’agit d’un problème structurel qui implique de nombreux acteurs. La question se pose, de ce que peut faire un site internet qui signale les coupures d’eau quand on sait que personne ne répond. »

Watch Water a des correspondants militants qui vont vérifier les alertes reportées sur le site et approuvent celles qui sont avérées. « Il y’ a toujours un certain nombre d’alertes non vérifiée qui restent en attente de validation. Les coupures brusques sont reportées et signalées à la SONEDE aussi. Le site couvre actuellement à peu près 20% des coupures d’eau. La SONEDE fait des promesses par rapports aux interventions qu’elle doit faire, mais rien ne se passe vraiment ou presque, elle renvoie souvent à ses prestataires de services. Jusqu’à aujourd’hui il n’y a aucune perspective de solution durable. »

Wtach Water se veut un outil de contrôle citoyen. Il vient d’ailleurs d’une longue expérience de contrôle citoyen. L’initiative s’inscrit dans cette démarche pour rendre confiance au citoyen dans sa citoyenneté : déclarer les fuites et les problèmes et exiger que ce soit résolu. Il vient d’un souci de faire connaître la réalité aux uns et aux autres. « Les gens dans les petits villages où les coupures sont fréquentes ne savent pas qu’ailleurs d’autres personnes sont eux aussi dans la même situation, voire pire » .

« La société civile doit renforcer ses compétences sur ces sujets et exercer un rôle régulateur, exiger ce rôle régulateur. Dans le code de l’eau la société civile n’est citée qu’une fois, sans aucun pouvoir».