TRANSPORT PUBLIC À REDEYEF : LE DESSOUS D’UN SECTEUR EN CRISE

Les problèmes du transport et de la santé public à Redeyef, ville du sud-ouest de la Tunisie située à l’ouest de Gafsa, ne datent pas d’aujourd’hui. Malgré les actions citoyennes et les revendications de la société civile, les problèmes susmentionnés ne font que perdurer la tension  sociale. Cette situation problématique  a fini par mener à l’isolation de la région de son environnement dès lors que les autorités font la sourde-oreille.

Le transport à Redeyef : une figure emblématique de la crise sociale

Depuis des années, aucune amélioration notable n’a été constatée  dans le secteur du transport. Ce qu’a été réalisé jusqu’à aujourd’hui peine à répondre aux attentes des citoyens, dont un nombre important se déplace fréquemment vers les  hôpitaux du nord. En effet, il s’avère que les bus mis à disposition des passagers sont au dessous des besoins réels. Toutefois, la société de transport n’a pas planifié l’acquisition de nouveaux bus et, en l’occurrence, aucune augmentation du nombre de voyages n’a été notée.

La plupart des actions sociales expriment peu d’intérêt au problème du transport. Elles se focalisent plutôt sur  la mobilisation pour le droit à l’emploi. Exceptionnellement, certaines associations, en particulier la section du FTDES au bassin minier, pensent que la situation du secteur du transport à Redeyef est tout simplement catastrophique.

« L’état des moyens de transport nécessite des solutions radicales ,étant donné qu’ils ne respectent pas les normes standards(retards et entassement des passagers). Cependant, les hauts  responsables du ministère du transport n’ont accordé aucun intérêt à la résolution de ce problème. Les deux sociétés qui assurent le transport public à Redeyef sont  la Société Régionale de Transport de Gafsa EL kawafel et la Société Nationale de Transport Interurbain SNTRI qui assurent un seul voyage avec un parc de bus désuet. » selon Tarek Hlaimi, président de la section de La FTDES à Redeyef.

la Société Régionale de Transport à Gafsa ,assure ,quant à elle, sept voyages. Trois d’entre eux sont interurbains à destination de Sfax, Tozeur et Nefta. Les autres voyages sont exclusivement internes et s’arrêtent à 14h. À partir de cette heure les usagers sont dès lors obligés de recourir aux louages ou au transport informel.

« Dégradant et non sécurisé, ce secteur pourrait mettre la vie des usagers en danger vu l’ignorance de nos revendications de la part des autorités locales. Il est inadmicible d’user jusqu’à aujourd’hui les autobus à deux essieux dans les voyages entre Redeyef et Gafsa ,notamment parce qu’ils prennent les chemins campagnards sans aucune mesure de sécurité. » conclut Samir Mosbeh, président de l’association Environnement et Santé.

Notons que la moitié d’autobus en service ont dépassé leur âge de vétusté avec une moyenne d’âge de 20 ans.

De 1975 jusqu’en 1983, la Compagnie des Phosphate de Gafsa a conclu un contrat avec El Kawafel pour assurer le transport de ses employés et de leurs familles avec un nombre de tickets plafonnés. Amendé en 1983, cet accord stipule qu’El Kawafel recevra annuellement une somme estimative pour l’ensemble de ses services.

Montants reçus de la CPG :

  • 625 milles dinars entre 1983 et 1985
  • 687500 milles dinars entre 1986 et 1988
  • 630000 milles dinars entre 1989 et 1991
  • 890000 milles dinars entre 1991 et 1996
  • 10800000 milles dinars entre 1996 et 1999
  • 1242000 milles dinars entre 2000 et 2002
  • 144800 milles dinars entre 2003 et 2008
  • 1600200 milles dinars entre 2009 et 2015

Malgré les revenus importants de la Société El Kawafel, celle-ci ne respecte pas les termes du contrat en matière de prestation. Ajoutons que L’arrêt des lignes ferroviaires a de son côté approfondit  la crise du transport.

Depuis l’année dernière, le train des passagers s’est arrêté à cause des sitineurs  qui barraient les voies ferrées  dans la ville de Redeyef au niveau de la CPG ou dans la ville de Manzel Bouzaiene.

Le transport ferroviaire allégeait auparavant la pression sur les grandes lignes, mais la tension sociale montante ne cesse d’impacter négativement ce secteur.

Le problème du transport est en lien étroit avec les problèmes de développement régional et la montée des contestations sociales pour l’amélioration des services publics fondamentaux  garantissant la vie digne  des citoyens.

Cartographie sanitaire à Redeyef

la carte sanitaire à la délégation Redeyef est composée d’un hôpital local de type b qui peut accueillir 60 patients , de cinq centres de santé de base, dont un dans la ville et deux dans les imadas de Tabdit et Segdoud, d’un seul laboratoire, d’un seul centre de planning familial, ,de trois cabinet de médecine générale, de cinq cabinets de médecine dentaire et  de quatre pharmacies. Notons que la plupart des ces établissements manquent de maintenance et d’aménagement.

Salle de réanimation à l’hôpital de Redeyef

La médecine de spécialité est quasi absente dans la ville de Redeyef bien que le nombre des patients et de plus en plus important à cause de l’industrie de phosphate.

« Il ya une hausse significative du nombre de patients atteints de certains types d’allergie ,d’asthme  et d’insuffisance rénale causés dans leur plupart par la pollution. Face à cette situation, l’hôpital ne peut venir en aide aux malades vu l’absence de médecine de spécialité et s’est transformé en une sorte de station de transit vers Gafsa et Sfax » conclut Ahmed Khalifi, nfirmier au centre de planning familial. D’après lui, le ministère doit recruter des médecins de spécialité qui pourront assurer au moins une séance hebdomadaire.

Le service  de pédiatrie qui a été très bien conçu n’a pas été encore équipé. Des activistes de la société civile locale se sont manifestés à plusieurs reprises pour contester la réticence des services publics à équiper ce service. En guise de réponse, le directeur de l’hôpital disait qu’une somme de 70 milles dinars a été mise à disposition pour l’équiper.J usqu’à aujourd’hui, cette action n’a pas vu le jour.

Le nombre limité de médecins répartis sur les cinq hôpitaux ne peut répondre aux requêtes des malades de la région. De surplus, l’hopital de Tabdit a fermé ses portes pendant une longue période et jusqu’à l’instant la reprise de ses activités n’est pas constant.

« C’est un bâtiment non exploité à cause de l’absence du transport pour ramener le médecin et l’absence d’un infirmier pour l’accompagner au cours du service.Il  s’agit d’une région agricole où se multiplie les cas de morsures de vipères et de scorpion dans la période estivale.L’hôpital devrait être ouvert toute la nuit pour répondre à ce genre de situation.Un autre hôpital a été crée en mois de février 2017 mais il reste toujours non fonctionnel. » explique Ahmed Jdidi, un habitant à la commune.

La discrimination positive sur le plan local est-elle un mythe?

La région de Redeyef est l’une des régions défavorisées qui devraient bénéficier de ce principe constitutionnel à cause de la marginalisation.

Selon le député Adnene Hajji « Le problème consiste au fait que les tunisiens ont élaboré une constitution révolutionnaire qui n’est pas réellement applicable comme c’est le cas pour la décentralisation et la discrimination positive dans les régions défavorisées. Il est impératif de réviser tout le système politique en vigueur qui n’a pas rompu avec la subordination au Centre. Le bassin minier, vu ses richesses,pourrait, dans le cadre du partage équitable des richesses, être une région phare de développement social pour les régions avoisinantes. Le problème est intimement lié à la volonté politique”.

Des statistiques révélées en 2013 montrent l’ampleur de la disparité dans la répartition des allocations municipales (4% des dépenses publiques). 7% des municipalités, situées au sahel et dans la banlieue du pays s’emparent de 51% du budget de l’État . les 93% restants sont répartis sur 246 municipalités.

On a l’impression que la ville est « punie » en raison du blocage du transfert de phosphate il y a près de deux ans. Pourquoi donc équiper l’hôpital régional de Metlaoui d’un scanner de haute gamme et mettre à disposition de cette région des médecins spécialistes et conserver la même situation à Redeyef?

Le syndicaliste Mouhannad Khleifi pense que « la CPG doit  appuyer les sections spécialisées des hôpitaux de la région dans le cadre de sa responsabilité sociale vu que certaines maladies, en particulier les allergies et l’insuffisance rénale et le cancer  sont une résultante de l’activité de cette entreprise. »

Lors d’une visite récemment rendue par mr Hachem Hmidi, le secrétaire  d’état chargé des mines, a tenu responsable la CPG de la détérioration de la situation sanitaire à Redeyef .D’autre part ,même  en cas d’allocution d’une somme d’argent dont la décision passera nécessairement par le Conseil Régional de Gafsa, la centralisation excessive sera toujours une entrave à la distribution équitable de ce fond. Il a donc alloué exclusivement un montant de 6 milliards à la municipalité de  Redeyef qui seront dépensés en fonction des priorités locales.